Itinéraire roman Les églises autour de Granville et d'Avranches _________ Itinéraire roman en douze églises, par Marie Lebert Voici un itinéraire en douze étapes, ces étapes étant du nord au sud les églises de Saint-Martin-le-Vieux, Bréville, Yquelon, Saint-Pair-sur-Mer, Angey, Saint-Jean-le-Thomas, Dragey, Genêts, Saint-Léonard-de-Vains, Saint-Loup et Saint-Quentin-sur-le-Homme, auquel s'ajoute le beau portail roman de Sartilly. Dans la région côtière qui s'étend autour des villes de Granville et d'Avranches (département de la Manche, Normandie), plusieurs églises présentent d'importantes parties romanes. En allant du nord au sud (voir la carte), il s'agit des églises de Saint-Martin-le-Vieux, Bréville, Yquelon, Saint-Pair, Angey, Sartilly, Saint-Jean-le Thomas, Dragey, Genêts, Saint-Léonard-de-Vains,Saint-Loup et Saint-Quentin. Ces églises sont construites avec des matériaux locaux, à savoir le schiste et le granit. Le sol de la région est formé de roches schisteuses entourant les deux massifs granitiques de Vire et d'Avranches. La région appartient au Cotentin pour sa partie nord et à l'Avranchin pour sa partie sud. La limite entre le Cotentin et l'Avranchin est la petite rivière du Thar, qui se jette dans la Manche au sud de Saint-Pair-sur-Mer. Cette région était au Moyen-Age une région riche. Le peuplement y était beaucoup plus dense qu'à l'intérieur des terres. La vie économique y était active: pêcheries, salines à proximité de Saint-Martin-de-Bréhal, Bréville et Saint-Léonard-de-Vains, exploitation de la tangue et du varech utilisés comme engrais marins, nombreuses cultures intensives. Ces églises étaient des églises paroissiales appartenant aux diocèses de Coutances et d'Avranches, à l'exception du prieuré Saint-Léonard-de-Vains, qui était la propriété de l'abbaye Saint-Etienne de Caen. Elles étaient situées sur le réseau de voies montoises qu'empruntaient les pèlerins pour se rendre au Mont Saint-Michel. Certaines de ces églises et leurs dépendances furent données par les ducs normands à l'abbaye du Mont Saint-Michel aux 10e et 11e siècles. D'autres firent l'objet de donations à l'abbaye naissante de la Lucerne au 12e siècle. Bâtie sur un petit promontoire, l'église de
Saint-Martin-le-Vieux fut utilisée jusqu'à la Révolution. Elle servit ensuite d'arsenal et tout son mobilier fut vendu. Rendue au culte en 1801, elle ne fut plus utilisée dès 1804 car elle menaçait de s'effondrer. L'ensemble, en ruines, est envahi par la végétation. Le choeur et la nef datent du 11e siècle: appareil en arêtes de poisson, porte au cintre surbaissé de la nef, étroites petites baies au cintre de granit. L'église a subi des remaniements par la suite: percement de la baie géminée du chevet, percement des baies des murs sud du choeur et de la nef, édification d'un clocher peigne en granit rose de Chausey. Ce dernier date du 16e siècle. L'église
Notre-Dame de Bréville date en grande partie de la seconde moitié du 12e siècle. Un ensemble très homogène est formé à l'extérieur par la majeure partie de la nef, la base de la tour et les murs latéraux du choeur. La nef a sans doute été terminée au 13e siècle: une porte à l'arcade brisée est présente dans le mur latéral nord. L'édifice a été remanié à la fin du 15e ou au début du 16e siècle. A l'intérieur, remaniement de la travée sur laquelle repose la tour, construction d'une voûte en croisée d'ogives au-dessus du choeur, percement d'une grande baie géminée dans le mur du chevet. A l'extérieur, construction de l'étage de la tour et de la flèche. L'église a été restaurée entre 1961 et 1976. Les travaux lui ont rendu sa simplicité première. Le portail occidental et la porte sud de l'
église Saint-Pair d'Yquelon présentent des similitudes avec la porte sud de l'église de Bréville. La nef et le choeur des deux églises datent de la même époque. Le choeur de l'église d'Yquelon est surmonté d'une voûte en croisée d'ogives romane. Dans le mur nord de la nef, un enfeu abrite une pierre tombale du 12e siècle en calcaire tendre, qui représente un chevalier. Sont également romans les deux étages de la tour et une partie du choeur de l'
église de Saint-Pair. Le premier étage de la tour est orné au nord et au sud de deux arcatures aveugles. Le deuxième étage est percé sur chaque face d'une baie géminée. L'ensemble se termine par une flèche octogonale. Les chapitaux des piliers intérieurs de la tour sont ornés de sculptures frustes en bas-relief taillées dans le granit. En 1875, on a retrouvé dans le choeur une partie des fondations de l'oratoire du 6e siècle et les sarcophages de cinq saints, dont celui de Saint Pair (482-565), qui fonda l'abbaye de Scissy et donna son nom à la localité. La nef ancienne fut détruite à la fin du 19e siècle pour agrandir un édifice devenu trop petit pendant la saison des bains. Cette nef fut remplacée par une nef et un transept de grandes dimensions, d'inspiration gothique. Le portail sud de l'église
Saint-Pair de Sartilly est le seul élément appartenant à l'édifice roman original, qui fut détruit et remplacé en 1858 par une église beaucoup plus grande. Ce portail de granit est le plus beau portail roman de la région. Les moulurations des voussures et de l'archivolte et les sculptures des chapiteaux (feuilles de chêne, feuilles d'acanthe, volutes) sont le fruit d'un travail très soigné. L'église d'
Angey dispose d'un chœur roman. Celui-ci date sans doute de l'édifice primitif donné par Guillaume de Saint-Jean à l'abbaye de la Lucerne en 1162. Une deuxième campagne de construction daterait de la seconde moitié du 12e siècle: l'appareil de la base de la tour est légèrement différent de celui du choeur. Le choeur de l'église de
Saint-Jean Baptiste de Saint-Jean-le-Thomas fut restauré à partir de 1965 par Yves-Marie Froidevaux, architecte en chef des monuments historiques. Ce choeur pré-roman présente des similitudes avec l'église souterraine Notre-Dame-sous-Terre, qui fut construite par les Bénédictins au 10e siècle. (Ceux-ci s'installèrent au Mont Saint-Michel en 966.) Les arcs des baies sont formés de claveaux de briques. Les murs présentent un appareil de petits blocs de granit assez réguliers séparés par d'épais joints de mortier. En 1895, la tour ancienne fut remplacée par un imposant clocher en granit, qui écrase le reste de l'édifice de son volume. En 1974, on commença à dégager les peintures romanes du 12e siècle trouvées sous l'enduit du mur sud de la nef. Une découverte d'autant plus intéressante que les décors peints sont pratiquement inexistants dans la région. L'église
Saint-Médard de Dragey est isolée avec son presbytère à un kilomètre environ du village. Elle est bâtie sur un promontoire. Sa tour servait de point de repère aux marins. La tour et le choeur ont été édifiés au 13e siècle. L'enduit des murs de la nef romane a été gratté dans les années 1970 pour y mettre à jour l'appareil en arêtes de poisson, à l'intérieur comme à l'extérieur. L'église Notre-Dame de Genêts fut reconstruite au milieu du 12e siècle par Robert de Torigni, abbé du Mont Saint-Michel, à l'emplacement d'une église plus ancienne. La croisée du transept, une partie des croisillons et les deux tiers inférieurs de la tour appartiennent à l'édifice roman. La tour, massive, est implantée à la croisée du transept. Elle comprend deux étages. Le premier est aveugle alors que le second est orné de baies géminées. Ces baies, murées, ont été prolongées par des baies gothiques trilobées lors d'une deuxième campagne de construction datant du 16e siècle. Autrefois surmontée d'une flèche (détruite par la foudre au 16e siècle), la tour est maintenant terminée par un toit en bâtière. Le départ du toit est caché au nord et au sud par une balustrade ajourée aux angles ornés de gargouilles. Le choeur et ses deux chapelles latérales datent du 13e siècle. La nef est surmontée d'une voûte en berceau de bois refaite en 1960. Cette voûte utilise les éléments d'une charpente à poinçons et entraits apparents du 15e siècle (qui furent eux-mêmes découverts dans les lambris du 18e siècle). La couverture en épaisses plaquettes de schiste a elle aussi été refaite en 1960. Le porche qui précède la porte sud de la nef est surmonté d'une charpente en carène renversée entièrement chevillée datant du 18e siècle. L'église et le cimetière de Genêts ont été classés monuments historiques en 1959.
Le prieuré Saint-Léonard de Vains fut la propriété de l'abbaye Saint-Etienne de Caen jusqu'à la Révolution. Il fut ensuite transformé en bâtiment de ferme. L'édifice est toujours une propriété privée. Le propriétaire a restauré la nef pour en faire une maison d'habitation. Le tour et le choeur sont dans un triste état (mais ceci a peut-être changé depuis ma dernière visite). Située entre choeur et nef, la tour est formée d'une base carrée surmontée de deux étages en léger retrait l'un par rapport à l'autre. Le premier étage devait être aveugle avant les remaniements de la Révolution. Le deuxième étage est orné de deux arcatures jumelles en plein-cintre sur ses faces nord, est et sud. Il est surmonté d'un toit en bâtière reposant sur une corniche. Celle-ci est soutenue par des modillons sculptés de têtes humaines ou moulurés en quart-de-rond. L'église de Saint-Loup date de la première moitié du 12e siècle. Ceci est attesté par la voûte d'arêtes, l'arc triomphal et les doubleaux en plein-cintre dans le choeur. Ceci est également attesté par les voussures et colonnettes épaisses du portail occidental, de la porte sud et des baies de la tour. L'intérêt de cette église est d'autant plus grand qu'il s'agit du seul édifice entièrement roman ayant subsisté dans la région. De plus, plusieurs éléments d'architecture sont spécifiques à cette église. On note un profil similaire pour le portail occidental, la porte sud et les baies de la tour. On note aussi de nombreuses corbeilles et bases sculptées. On note enfin sous la corniche du choeur de gros modillons sculptés de personnages grotesques et de figures humaines. La seule modification apportée à l'église romane est l'ouverture d'une chapelle latérale dans la seconde travée du choeur (côté nord) en 1602. L'édifice a été classé monument historique en 1921. La porte sud de l'église de Saint-Quentin est une réplique presque parfaite dela porte sud de l'église de Saint-Loup. Le portail occidental dénote lui aussi l'influence de Saint-Loup. Ces éléments permettent de dater la base de la touret la nef de la première moitié du 12e siècle. Plusieurs parties datent du 13esiècle: le porche rectangulaire précédant la façade occidentale, les deux étagesde la tour, le choeur de trois travées et la chapelle latérale sud du choeur. La chapelle latérale nord fut édifiée plus tard, au 15e ou 16e siècle. __________ Crédit photos Alain Dermigny Copyright © 2006 Marie Lebert _________ Photos et dessins © Claude Rayon www.eglisesdelamanche.com Tous droits réservés. Contacter le site
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